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Expression libre, insolente et authentique sur l'actu. C'est gratuit, cruel, incisif parfois stérile et c'est tant mieux !

L'Investiture des Crétins Propres

Publié le 4 Décembre 2012 par Januscream in Dans les Baffes

- « Même si t’as pas beaucoup de money

 Pas besoin de Lamborghini

Laisse ceux qu’ont besoin de ça l’ami

Pour pouvoir exister Et quand à toi ma jolie,

Les femmes sont fortes aujourd’hui

Si tu tombes tu te relèves again »

 

L’espace d’une seconde je crus que j’étais mort. Et que mes oreilles - ayant par trop péché - étaient déjà sur le parvis de l’enfer. Je dus avouer que ce salaud avait vraiment bon gout. Que cette « musique » était très à propos. J’allais en chier... Puis je revins à moi. Sans contracter aucun pouvoir. La Camarde avait décidemment d’autres rats à faucher. Recouvrant tout mon libre-arbitre, je m’empressai de couper net cet infernal transistor. Bien mal m’en prit. Je n’avais pas encore le doigt sur le bouton que John Locke apparut en personne. Pas l’empiriste hein ? Le baroudeur paraplégique qui a nettement moins de poils. D’un coup d’un seul de son canif, il punaisa la manche de mon peignoir sur le placo de la salle de bain.

Bien emmerdé dans cette fâcheuse position, je dus subir son regard vert de crocodile qui punaisa le reste. Locke me tança :

- « You must push the button ! »

- Pardon?

- You saw the film, Jack. This is a... this is a two person job, at least.

- Alors d’une je ne m’appelle pas Jack. Deuxio je suis une tanche en anglais. Et tertio je n’ai jamais regardé Kojak alors excuse mes lacunes.

- KEEP PUSHING THE BUTTON !!

Je vous passe les détails de la négociation musclée qui s’ensuivit. Boule-de-billard baragouina un flot confus de billevesées. Une drôle d’histoire de fin du monde et de pains dans ma gueule. Bref, et parce que je suis cool, je promettais de ne pas toucher à la radio.

radio-show-1.jpg Et pour bien faire son rot, on se réécoute un p'ti D-Maze

 

La radio est un media ma foi pratique. Peu couteuse et répandue partout, elle peut shooter un gros paquet de cervelles disponibles. Quoi de plus beau pour nos amis de la pub qu’un citoyen bloqué dans 25 bornes de bouchons ? A la merci de chaque jingle. De chaque tête de gondole. Le drôle chancèle déjà vaincu, fesses et crâne ouverts, bien disposé à s’émouvoir de la prochaine pouffiasse que vous aurez construite pour l’occasion. Quand ce n’est pas pour s’enquiller sans état d’âme le dernier Marc Lévy. La chair est faible et le gredin cupide. Voilà qu’il y prend gout et cette ardeur naissante gagna bientôt nos excités du BlackBerry. Toujours prompts à dégainer le nouveau buzz de la semaine, ils se hâtèrent à la besogne. Haro sur la FM. Les ondes vacantes furent assaillies et dépecées comme une Merco sans chapelet sur un parking de La Courneuve.

Depuis que les ruées vers l’or ne nourrissent plus leurs hommes, on cherche toujours son prochain coin de paradis. Ce fut donc sans réserve que ces vautours vinrent s’entasser à perte d’oreille sur les plates-bandes de la FM. En quelques tours de dés, l’affaire fut pliée. L’emblème des majors régna très vite sur le plateau. Alors ils s’appliquèrent à dilater ce qui restait de notre jeunesse pour nous glisser de la quenelle d’élevage. Du volume I au volume XXX, ils nous inoculèrent du Dance Machine avec méthode et régularité. Comme ces vaccins à mettre à jour pour qu’on restât bien engourdis sous les effets des anticorps. Les doses sont élevées. La cadence infernale. Un organisme ne se défend jamais autant que quand la greffe est dégueulasse.

 

Il fallait être bien vicieux pour ne pas voir une occasion de subjuguer les foules. Et il y avait de fortes chances pour que l’élite la reniflât. Si la réclame induit ledit passage à l’acte, qui verrouillerait son extension jusqu’au passage aux urnes ? Un CSA christique ? On aime ou on n’aime pas mais leur projet se justifiait. Qu’existait-il de pire qu’une culture qui se libère en forniquant dans la gadoue ? Trop effarés par ces possibles, nos vieux hippies noyèrent dans l’acide l’appel grandiose de l’horizon. Ils ne seront pas prêts. Il valait mieux mettre un bouchon et juguler l’éveil. Accompagner la bête docile jusqu’à son crépuscule. Chant des sirènes en fond sonore. Paupières lourdes et conciliantes. Zéro turbulence. Aucune plainte à l’arrivée. Tous les moyens sont bons aux médecins de l’âme. Tant qu’était respectée la promesse de ne jamais les réveiller.

On leur aurait collé du jazz à ces moutons. S’ils n’étaient pas piqués ailleurs par l’aiguillon publicitaire. Qu’ils consomment, cela va de soi ! Mais pas gratuitement. Big up en (tré)passant aux resquilleurs d’Hadopi. C’est moche de se faire pincer pour du Sandy Valentino. Et un béat décérébré n’a plus d’élan pour passer à la caisse. Il convenait donc de le tenir à cran. De cadencer son hypophyse. Qu’il garde un peu de jus pour se tuer à la tâche. Décérébré, mais fonctionnel. Soumis, mais proactif. Tout un art. On ne saurait confier ces rênes à la trompette d’un Chet Baker. Il fallait un escadron plus corporate. Qui hérisse dans le bon sens du poil. Quitte à créer ces mercenaires. Quelques brouillons furent essayés. Le disco lassa. La folk resta trop provinciale. Le hardrock fut dissout dans du Café. La soul fut rationnée aux écorchés sous ordonnance. Le rap cracha sur ses parents et tapine encore sur le bitume. Tous déçurent. Tous les espoirs fusèrent sur le dernier rejeton. Le R’N’B tint ses promesses.

51XXZ-WkBLL__SL500_AA300_.jpgA côté de ça, l'Enfer de Dante c'est de la gniogniotte 

 

Le R’N’B, c’est le dernier chant du cygne. Celui qui précède la mousson. Pas celle qui mouille les seins marbrés de la grognasse d’Ushuaia. Celle qui châtie une Atlantide, en venant clore une mauvaise période. Le R’N’B, c’est la BO de l’échec funky. Celui qui te rappelle gentiment que tu ne feras pas partie des braves. Que tu devras marner comme un Morlok mais que c’est cool. Parce qu’il y a pire derrière et que tu n’es donc pas à plaindre. Et que si tu ne mouftes pas trop, on te filera une paire de Timberland pour que tu ailles chercher l’amour dans les castings de Graine de Star. Visière dans le sens du vent, la face nouée par un latino bandana, le héros R’N’B est le Sisyphe du dance floor. Suppôt consumériste, il rêve de caillasses, afin d’offrir à sa darling, la panoplie matérialiste de son bonheur tangible : parkas plastique ou bons d’achat chez Zalando. Ne cherchez pas un peu d’écho dans cette quête. Il n’y en a pas. Il y a Eurocard Mastercard et puis le reste. Le reste étant verbiage prise-de-têting, non bankable, donc sans intérêt. La vie de notre héros oscille ainsi entre un concert à Marbella et les démarques chez Mada. Autant vous dire : il fait rêver la foule. Il est ce pourquoi elle est prête à souffrir. Pour se payer, début de mois, un bout de ce fantasme stakhanoviste. Entre la rue et la jetset. Un maillon possible. Un peu comme si Dickens faisait des piges pour Un, Dos, Tres. Ça fouette la fable sociale avec du son qui miaule un « danse et ferme la ». Ça fait chialer les mômes qui vont cramer leur argent de poche dans les joujoux Kinect pour répéter le samedi soir les moves grotesques de leurs idoles. C’est la misère de notre époque de s’enticher d’icônes pré-pubères pour racketter toujours plus bas les poches des citoyens. Un genre d’impôt sur la jeunesse avec le Biactol, les appareils orthodontistes et les sagas sur les vampires.

Le pire, c’est que le R’N’B dépouille bien plus que les livrets. Il appauvrit les tronches via ses refrains asyntaxiques qui forment des crétins à tour de bras. Pour résumer leurs espérances en deux diamants dans les oreilles. Dans nos superbes démocraties, où tout le monde a droit de citer, qu’aura à dire un auditeur de Fun Radio qui n’aura plus que des voyelles pour s’exprimer ? On n’a jamais autant régné sans un abrutissement des masses.

 

J’eus beau tourner dans tous les sens, rien. Pas une foutue station ne diffusait du subversif. Du R’N’B partout ! Ou par moments de l’électro minimaliste. C’est dire qu’on était condamnés. Et puis soudain : quelque chose d’autre. Une réclame écologiste qui m’invitait à bien éteindre les lumières quand je quittais une pièce. L’espoir est une chose étrange. Sitôt au bord du précipice, voilà qu’il repart de plus belle au premier son d’un mirliton. Voyez ce haut message informatif. Toutes les causes ne sentent pas la grosse quenelle fourrée. Il y a des cas où la radio est même d’utilité publique. La couche d’ozone et mon déo. Les ours blancs sur la banquise. L’avenir de la Terre qui ne m’appartient pas étou étou. C’est important. Qui refuserait que ses enfants ne grandissent pas sur une planète parfaite, avec des fleurs, des poneys et des crétins partout ?

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