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Expression libre, insolente et authentique sur l'actu. C'est gratuit, cruel, incisif parfois stérile et c'est tant mieux !

Les Bons Comptes Font Les Bons Amis

Publié le 14 Juin 2012 par Januscream in Derrière le Rideau

Il régnait une odeur de flacons et d'albâtre. Des silhouettes sur chariots défilaient sans écho. Le lino épuisé diffusait un concert de roulette. Et de plaintes ouatées. Nerveusement mes dix doigts trituraient mon bouquet. Nous avions rendez-vous par ici.  

Le personnel zigzaguait sans prêter attention à mes bandages qui suintaient la misère. C'est de bonne guerre. Nous n'en serions que plus quittes. Barbotant dans la blouse trop large que j'avais chapardée, je me faufilais vers l'allée D. Là où nous avions rendez-vous. 

Le canon de l'engin appuyait sur ma cuisse. L'amertume du métal clapotant sur ma peau rappelait celle de mon âme. Il y a des choses que l'on ne veut pas faire mais qui doivent être faites. Je lorgnais chaque visage qui percutait ma route. Je n'avais qu'une photo de celui qui allait mourir de ma main. Et elle n'était pas récente.

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Café, cravate. Allez hop ! Au boulot

 

Saut arrière, j'arrivais en soirée, la boussole à zéro. Une "amie" qui provenait d'un mauvais site de rencontre fêtait ses fiançailles.  Comme je ne l'avais pas touchée, j'étais autorisé à féliciter chaleureusement son futur ex qui alliait le double talent d'être artiste incompris et alcoolo trop tactile. J'étais donc dans cette pièce, spectateur impotent, sans savoir ce que je foutais là hormis que j'avais un bouquin à récupérer. Une nuée de vautours s'amassait autour d'eux. Un bon tiers pour le buffet, un autre pour essayer de choper des célibattantes soudainement inspirées, le dernier pour assister au probable crash d'une idylle partie perdante. On n'est jamais à court d'amis quand on part au casse-pipes. Moi, j'étais à court d'idées pour m'en faire. Deux gobelets de ti-punch se chargèrent de m'aider. Enfin, façon de parler. Si parler comme un footballeur peut être qualifié de prouesse. En tout cas je fis assez le pitre pour qu'on me trouve "sympathique".

 

Traduisez je ne parle pas politique, je ne suis pas chiant comme un couple heureux, et je fais parler mon public en me taillant des vestes. Vous devenez le fantasme de l'ami de soirée. Vous n'êtes plus rien d'autre que ce rôle de faire-valoir. Comment ne pas être aimé? Les gens sont ravis de devenir subitement passionnants tout en semblant meilleurs que vous. Et comme après tout numéro de cirque, vous recevez l'aumône en forme de friends request sur votre FB.

Alors au début vous vous emballez. Vous acceptez à tour de bras ces nouveaux amis comme un juste tribut. Vous entassez ainsi des piles d'amis comme autant d'animaux empaillés. Et ces amis que vous avez finissent par vous avoir. Non pas d'une intentionnalité démoniaque. Bien au contraire. Ce sera d'une indifférence beaucoup plus humaine qu'ils vous assaisonneront. Fidèles à leur passivité, ils snoberont tout coup d'éclat sur votre wall. Ni fervents supporters, ni ennemis jurés. Juste des gens qui ne servent à rien à part toiser d'un air bovin les quelques bribes qui les atteignent. Faute de hola, on perd un peu l'esprit.

photo1-tenue-d-infirmiere-sexy-complete-_femme-en-tenue-leg.jpgZigzag entre les infirmières effervescentes

 

Saut avant. J'abaissai le levier d'alarme pour créer du raffut. Les allées se mirent à pétarader. On évacuait de partout. Enfin un peu de chaos. Le monde mourrait tant par manque d'imprudence. Zigzag entre les infirmières effervescentes. J'arrivai à la chambre. La salle était déserte. Ma victime gisait là sur son lit. Immobile comme une défense tricolore sur corner. Son regard débraillé boulottait une vague émission de télé. Je posais tendrement le bouquet sur la chaise. Le froissement du papier attira l'attention de l'alité. Peut-être sentait-il une promesse de cadeau? Je lui caressai lentement le front. Ses yeux tentaient de me remettre. Ça me facilitait la tâche. Ça fait quand même un peu mal d'assassiner un pseudo proche. N'allez pas croire qu'il s'agisse d'une soudaine empathie. Mais dans la transe du premier contact nous étions mélangés. Par endroits l'amusant est esclave de son amusé.  

Enfouissant son visage sous le voile du coussin, je pressai la détente. Sans sourciller. Je n'aimais pas trucider. Mais j'aimais faire mon devoir. Soulevant l'oreiller fumant, je souris tout baigné par l'aura chaleureuse d'une vérité qui se dévoile. Il était déjà mort. Du travail bien fait. Je pouvais biffer le nom de ma victime.

Tiens une notification? Une amie vient de poster "Les musulmans sont mieux traités en France que les catholiques au Sub-Sahara, Sarko je t'aime". Je vous laisse. J'ai du boulot...

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