Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
pur-jus-depoque.over-blog.com

Expression libre, insolente et authentique sur l'actu. C'est gratuit, cruel, incisif parfois stérile et c'est tant mieux !

Dans La Spirale de la Saucissonnette

Publié le 28 Août 2013 par Januscream in Sur Scène

- Mwahaha.

Ce rire sentait le sépulcral. Normal, me direz-vous, j’étais mort. Pas de honte ni de fatigue. Mort mort. De celle qui tue. Sans équivoque. Et à cette heure où les mortels se seraient mus dans leur chagrin, moi j’étais gai comme un coiffeur. En forme ! Limite foutage de gueule. J’avais gâché tant de soirées-raclette à méditer sur l’au-delà, que j’étais prêt pour l’occasion. Au taquet ! Comme un gosse à Noël. Humant à pleins poumons cette bonne odeur de sapin. Alors que je chaussai ma plus belle paire de pantoufles, et m’apprêtai à m’élancer sur ses descentes prometteuses, cette vicieuse de Camarde m’agrippa par le cubitus. Et me montra la file d’attente qui s’étendait à perte de vue.

- Alors quoi ? Là aussi faut queuter ?

Deux décédés me précédant firent volte-face :

- Chacun son tour mec, ça fait 3 semaines qu’on est là nous.

- 3 semaines ? C’est pas un peu abusé ?

- L’éternité mec. Qu’est-ce qu’ils en ont à foutre ?

- Pas moyen. Faut que je resquille.

- Laisse tomber mec. Le système est verrouillé.  Ils ont bien ficelé leur truc. Faut consommer leur temps voulu pour traverser le Styx. Charron est une putain de pince.

- Bordel ils ne vont pas recommencer ?

En fait, si.

 

        J’avais pensé, nigaud, que j’avais fait mon dû. Assez tué mon temps au point de prendre perpète. Et d’être enfin absous. Une bonne fois pour toutes. Bon an mal an, ces ecchymoses qui poinçonnaient ce qui restait de feu mon âme devaient m’offrir un peu de répit. Une remise de peine. N’importe quoi. Pourvu qu’on ne s’avouât pas qu’on se fit chier pour rien. Qu’on eut bien fait d’y croire.

Parce que sinon… On nous l’avait tant seriné. Vous voyez ? Le Lion et le Rat. Les justes et les charognes. Toute la ferraille sophistique pour qu’on avançât sans mots dire. C’était un peu par intérêt. Fallait qu’en sortie de chaine, on se refît un peu la cerise. Tu parles ! Ici aussi, le pas était balourd et galvaudé. Ici aussi, le métronome battait la trinité. Le Père, le Fils et tout le bazar. Impossible d’en réchapper ! Ces enculés de chapeliers ne nous laisseront jamais quitter la cène sans qu’on reprenne un peu de fromage. Aucune sortie ne se donnait sans antithèse. Tout devait être dialectisé.

 

twilight-chapitre-1-m6-affiche.jpg Le Mal ne s'arrête jamais

 

 

         Je ne sais d’où nous parvint cette mode à la con. Peut-être d’Hegel. Ou de Plotin. Surement d’un type de ce genre-là. On n’avait pas toujours baigné dans cette manie de la saucissonnette. Avant, il y eut des jours où l’immédiateté pouvait encore ravir. Où l’on pouvait sentir la plénitude dans l’instant. Du plaisir pur. Entier. Sans extension de garantie. Maintenant, on ne peut plus aimer un film sans essuyer les plâtres de sa réplication. Votre coup de cœur du mercredi chatouille les cimes du box-office ? Allez chercher une pelle et un cantique pour accueillir comme il se doit son futur rejeton. Soyez certain qu’un piètre salopard viendra tremper son petit bout de prépuce dans le giron juteux de votre film culte. Plus aucune chance de réchapper ainsi à ces échos merdiques de ce qui fut un jour la source chaude de votre jubilation. Et encore, dans ce cas-là, vous aviez pu oblitérer votre plaisir originaire. Le temps d’une projection.

Dans d’autres, ils couperont carrément votre délice en deux. Ces empêcheurs de déguster en rond. Exemple : vous êtes placardé contre le fond de votre fauteuil. La pupille bouffie complet par deux bonnes heures de science-friction. Prêt pour le coup final. Et Bim ! Cliffhanger putassier. Le vieux final en eau de boudin ! Voilà qu’on vous confisque cette petite mort bien méritée. La symphonie promise d’un crépuscule salutaire tombant d’un coup dans l’apocope la plus obscène. Quelle muflerie de mutiler cet épilogue qui vous revenait de droit. Tout ça parce qu’un zélé filou a décidé de lotisser sa super production. Maintenant que les auteurs sont payés à la ligne, y a plus moyen d’adapter quoique ce soit en moins de 5 heures et demi. Et vous devrez vous y reprendre à deux fois pour achever votre saga.

         Deux fois. Ça ne sera pas de trop tant les sagas sont répliquées et dupliquées. A la volée comme Les Experts qu’on déclinera à Miami, à Las Vegas ou à New York. Façon Coca : le même breuvage en light, zéro, ou décaféiné. Y en a pour tous les mauvais gouts. A la pelle comme ces séries, et leurs étés indiens qui n’en finissent jamais. Avec leurs saisons qu’on étire comme de la margarine sur un abcès. Quitte à ce qu’elles ne disent plus rien hormis « ne bougez pas tant qu’il vous reste encore un peu de laine à tondre ». Et puis on veut aller au bout de la rivière. Pot comitted. C’est dans nos gênes, depuis que nos parents nous maintenaient devant l’assiette de salsifis.

         Alors on retournait se faire enfler par la Warner. Sitôt sanglé sur le pliant, nous pensions bien boucler la boucle et balancer «  Enfin j’en finis avec toi Jason Bourne ! ». Et puis… La réclame nous apprenait que les Hobbits revenaient… Le teaser était violent. Hollywoodien. Nous agitait du plaisir gras et mécanique, à nous racler nos fonds de culotte. Un cycle se terminait, et trois autres repoussaient. Et nous voilà, pauvres Sisyphe, à défiler sans trêve devant ces grands écrans. Comme ces morceaux de bobine que l’on enchaine pour une fiction de cohérence…

Il était dur de résister. De retenir l’ingestion. Avec la bouche farcie de leurs promesses mercatiques. Et quand parfois vous acheviez une millième trilogie, ils vous remettaient un coup de sequel. Tel le Baku des japonais, ou le Munna des Pokemon, cette saloperie éclot en dévorant les rêves. Vous évoquiez avec Janine un très bon film de votre enfance ? Sequel ! Vous fantasmiez que Saint Seiya existe un jour sur PS3 ? Sequel !. Un rescapé d’Indiana Jones et le Crane de Cristal témoigne :

C’était terrible. Nous étions là, en file indienne, amassés sur des kilomètres. Comme des bêtes qu’on menait à l’abattoir. Personne ne se doutait de ce qui nous attendait. Nos yeux brillaient au souvenir de retrouver Indi. Et puis… Et puis… non…  Je ne peux pas… Laissez-moi… Je… Shia Leb… Des aliens ..*argh* non…

 

IJ.png

Déterré, violé et humilé : les coupables courent toujours 

 

Alors parfois, dans des moments de solitude, je mate en douce Plus Belle La Vie rêve que l’UNESCO se fende d’une branche militaire, et vienne bourrer la gueule aux aigrefins du 7e art. Que chaque vautour, ayant les yeux qui brillent à l’occasion de faire un gros billet en réchauffant du surgelé, soit lapidé comme il se doit. Qu’on les empêche de chier sur le carrelage de nos ancêtres. Qu’on les empêche de culbuter les tombes et les ossements. Et que le patrimoine de nos générations soit protégé de ces vilains remake. Qu’Indiana Jones repose en paix. Que les Jedi et les Wookies reposent en paix. Que Catwoman et Superman reposent en paix. Amen.

Commenter cet article